On a envie de commencer cette chronique en disant que cette fois-ci, le spectateur nâa pas Ă©tĂ© pris pour une bille ! Pourtant, quoi de plus facile que de se caler sur une histoire bien connue aussi authentique, aussi prenante, aussi Ă©mouvante que celle narrĂ©e par Joseph Joffo il y a dĂ©jĂ 44 ans ? On pense aussi que câest tabler sur un public conquis, que dâen produire un remake. Mais en sortant de la salle on se dit, voilĂ un sacrĂ© joli coup. Un coup de maĂźtre, pour tout dire. Lâhistoire est bien connue. Les parents juifs de deux jeunes garçons, Maurice Batyste Fleurial et son frĂšre cadet Joseph Dorian Le Clech, les envoient seuls loin de Paris, afin de les protĂ©ger du danger nazi. Ils prennent un train, puis un car, parviennent Ă passer la ligne de dĂ©marcation, et finissent par retrouver leurs parents sur la cĂŽte. En septembre 1943, la parenthĂšse azurĂ©enne tourne au cauchemar, avec le dĂ©part des Italiens et lâarrivĂ©e du sinistre AloĂŻs Brunner. Dâabord hĂ©bergĂ©s dans un camp de jeunesse pĂ©tainiste du nom de Moisson Nouvelle â Ă Golfe-Juan â les deux frĂšres, de passage Ă Nice, sont arrĂȘtĂ©s. Comme tant dâautres malheureux condamnĂ©s Ă la dĂ©portation, ils sont enfermĂ©s Ă lâhĂŽtel Excelsior, le terrifiant siĂšge de la Gestapo, avant dâen ĂȘtre libĂ©rĂ©s. Ce miracle se produit grĂące Ă de faux certificats de baptĂȘme, fournis par le curĂ© de lâĂ©glise de la Buffa, avec lâaide de Monseigneur RĂ©mond. Au passage, il est utile de rappeler que cet Ă©vĂȘque fut ensuite nommĂ© Juste parmi les Nations pour son exceptionnel travail de sauvetage des enfants, dans le cadre du RĂ©seau Marcel ». Ă Nice, nous connaissons cette Histoire sur le bout des doigts, et avec lâAMEJDAM*, nous nous apprĂȘtons aussi Ă honorer cette annĂ©e la mĂ©moire des jeunes dĂ©portĂ©s qui furent, un temps, cachĂ©s Ă Golfe-Juan dans ce lieu-dit Moisson Nouvelle ». Sa reconstitution dans le film est parfaite alors que lâendroit nâexiste plus que dans la mĂ©moire de Joseph Joffo, il correspond au dĂ©tail prĂšs Ă ce que lâon en imagine. Mais trĂȘve de digressions aprĂšs avoir fui la CĂŽte dâAzur, câest en Savoie que les deux frĂšres se rĂ©fugieront, hĂ©bergĂ©s par un collabo plus vrai que nature. Une fois Paris libĂ©rĂ©, ils retourneront â sĂ©parĂ©ment â chez eux, sains et saufs. Câest bel et bien un voyage initiatique dont il est question dans ce rĂ©cit, et dans le film de Christian Duguay. Le petit Joseph Ă©volue Ă mesure que les Ă©preuves se placent sur son chemin. ĂpaulĂ© au dĂ©but par son grand frĂšre Maurice, il devient autonome Ă la fin de la guerre, et en revient grandi. Inutile dâen rajouter sur le jeu phĂ©nomĂ©nal de Dorian Le Clech et, du reste, de tous les acteurs de ce film. Le casting est impeccable. Patrick Bruel est tout de nuances et de vĂ©racitĂ© dans son rĂŽle de pĂšre prĂȘt Ă tout pour sauver ses enfants. Elsa Zylberstein allie force et douceur, une scĂšne tragi-comique autour dâun violon rĂ©vĂšle tout son talent. Christian Clavier bouffe lâĂ©cran, aussi brĂšve que soit sa performance. Les autres seconds rĂŽles sont aussi justes, notamment le curĂ© qui sauve les enfants dans le train, ou celui de la Buffa, qui les tire des griffes des nazis. Autre point fort les dĂ©cors et les costumes. On sây croirait, on en redemande ! Quant aux dialogues, ils sonnent aussi clairs que les accents. Ă peine si lâoreille vieillissante de quelque puriste linguiste repĂšre une poignĂ©e dâanachronismes qui aurait dit Wow ! » en 1943 ? Ou bien Tu es trop fort, papa ! » ou encore on retourne sur Paris » ? â mais ne chipotons pas⊠à mesure que le film se dĂ©roule, le tragique alterne avec la lĂ©gĂšretĂ© â certaines scĂšnes sont des boulets de canon, dâautres, des clichĂ©s de bonheur familial. Comme dans la vie, quoi. Non content dâexploiter avec maestria un scĂ©nario comportant tous les Ă©lĂ©ments qui rendent un film efficace les enfants, le danger, les amis, les faux-amis, la rencontre avec la mort, la rĂ©demption, et une fin presque heureuse, câest la mĂ©taphore de la bille que le rĂ©alisateur file le mieux. Un petit calot cabossĂ© roule le long de ce film, illustrant les mĂ©andres que le destin rĂ©serve aux jeunes hĂ©ros. Ă la demande dâun de ses copains, Joseph Ă©change son Ă©toile jaune contre un sac de billes. Et la belle bleue quâil croyait avoir perdue reste la possession de Joseph, son talisman en quelque sorte, son mot de passe, sa preuve par neuf. Lorsquâil Ă©grĂšne le nom des jeux, les assĂ©nant avec conviction Ă un officier allemand dĂ©terminĂ© Ă le coincer, il le retourne. La bille tourbillonne, la vie tourne, parfois on gagne, parfois on perd. Joseph survit, tombe amoureux, mĂ»rit, perd sa belle, et ne retrouvera pas sa famille intacte en rentrant Ă Paris. La scĂšne finale, muette, toute de finesse et de dĂ©licatesse vous arrache des larmes, tandis que, lentement, la derniĂšre bille sâĂ©chappe de ce sac aux souvenirs⊠Cathie Fidler *Association pour la MĂ©moire des Enfants Juifs DĂ©portĂ©s des Alpes Maritimes. La bande-annonce de Un sac de billes Cathie Fidler est Ă©crivain, auteur de plusieurs romans parmi lesquels Histoires floues, La Retricoteuse⊠du livre dâart Hareng, une histoire dâamour, co-Ă©crit avec Daniel Rozensztroch et rĂ©cemment dâun ouvrage consacrĂ© Ă son pĂšre le peintre et cĂ©ramiste EugĂšne Fidler EugĂšne Fidler, Terres mĂȘlĂ©es » Les Ăditions Ovadia. Gratitude, le blog de Cathie Fidler Retrouvez toutes les chroniques de Cathie Fidler sur Jewpop © photos Gaumont / DR Article publiĂ© le 21 janvier 2017. Tous droits de reproduction et de reprĂ©sentation rĂ©servĂ©s © 2017 Jewpop 0 0 votes Ăvaluation de l'article Post Views 1 258
. 75 416 125 428 222 251 70 133